S'il y a quelque chose dans la vie qui me

S'il y a quelque chose dans la vie qui me fascine, c'est la distance entre le fantasme et la réalité.

Moi, telle que vous me voyez, j'ai un certain nombre de fantasmes inavoués. Parmi cette somme de fantasmes faramineuse comme vous l'imaginez, il y avait "recueillir un chaton abandonné". Et si j'emploie l'imparfait, vous vous doutez que ce fantasme, s'il n'a pas miraculeusement déserté mon esprit, est devenu réalité. Nous avons recueilli un chaton sauvage dans notre appartement.

Oui mais. Si ce fantasme restait "inavoué", c'est que je pressentais intimement qu'il n'était pas innocent (oui, tout de même plus innocent que ce que vous imaginiez quand j'ai utilisé le mot "fantasme"... avouez que vous pensiez/espériez/redoutiez que j'évoque un truc sexuel). Je veux dire par là que je voyais bien qu'il y avait moins là un désir de sauver une petite bête en détresse qu'une tentation purement égoïste d'avoir un nouveau bébé à m'occuper. Et quand nous avons ramené ce petit chat chez nous hier soir, c'est cela que j'ai violemment ressenti. Que c'était mon égoïsme qui m'avait poussé à le faire.

Revenons au fantasme. Dans le fantasme, le bébé chat est seul et désespéré dans le buisson et se laisse attraper sans souci. Dans le fantasme, il se laisse bercer des heures dans mon giron et me prend pour sa maman. Dans la réalité, ça ne s'est pas passé comme ça. Notre bébé chat doit avoir environ un mois. Ce qui signifie qu'il est en âge d'être sevré, mais pas d'être séparé de sa mère. Sa mère, en plus, je la connais. Vous la connaissez aussi, c'est la chatte sur la photo que j'ai postée. Et notre bébé chat n'est pas un des chatons de la photo, mais un autre chaton que j'avais déjà vu jouer sur le toit. Je ne peux donc pas dire qu'il vient de nulle part. Et ça a été toute une aventure pour le ramener à la maison.

Contexte : depuis plusieurs jours, nous entendons un petit chat tigré miauler sur le toit du cagibi des voisins, situé un peu plus bas que le toit où doivent habiter la mère et les autres chatons. Nous en avons déduit qu'il était coincé et, craignant pour sa santé, nous avons décidé d'essayer de l'en tirer. Autant le dire tout de suite, cette opération a été un échec. Car, incapable peut-être de remonter, il était capable de descendre. Après avoir escaladé la maison et le toit (oui, je sais, on est de gros tarés), nous avons bien réussi à approcher le chaton mais il s'est sauvé dans le parc derrière la maison. C'est alors qu'Apollon a repéré un second chaton dans les buissons. Notre réflexion a été que si le premier n'arrivait pas à remonter, alors le second ne devait pas pouvoir non plus. Et nous avons résolu d'attraper ce second chaton. Ce qui n'a pas été une mince affaire, car il a fallu lui courir après dans les buissons pour ensuite le cerner tels des limiers moyens. Rien à voir, donc, avec le tranquille "ramassage" du fantasme. Puis je l'ai mis dans ma robe, terrorisé, et nous sommes rentrés à la maison. Nous l'avons mis dans la chambre, et il s'est caché dans une pantoufle. Après l'avoir récupéré, j'ai téléphoné à ma mère pour être sûre de la marche à suivre.

Ce qui me fait peur, c'est non seulement le fait qu'il soit sauvage, donc assez peu disposé à nous approcher, bien que pas tellement agressif, mais aussi qu'il soit si petit. J'ai peur d'avoir fait une grosse bêtise en le ramenant, plutôt qu'en le laissant dans le parc, avec l'incertitude, certes, quant à sa récupération par sa mère car ça faisait déjà trois jours qu'elle n'avait pas récupéré le chaton qui miaule sur le petit toit. Je sais qu'il serait mieux avec sa mère qu'avec nous et j'ai peur qu'il meure de par mes mauvais soins. Il mange, il boit, il fait pipi, il miaule et il dort mais j'ai quand même peur que quelque chose débloque, qu'on l'ait blessé en l'attrapant, qu'il tombe malade. C'est ma plus grosse peur. L'autre peur, ensuite, c'est qu'il reste toute sa vie sauvage, qu'il ne veuille jamais nous approcher. Je sais que c'est ridicule de penser ça au bout d'une soirée, quand on sait qu'un chat met parfois plusieurs semaines à se faire à une nouvelle maison, mais il est si petit... et je retombe sur la crainte qu'il meure pour ne pas s'être laissé approcher.

A la limite, j'aurais voulu qu'il soit encore plus petit. Pour qu'il se laisse trimballer, qu'on puisse l'habituer au contact des hommes direct, le mettre au chaud sans qu'il bouge et le nourrir "de force". Et puis plus petit, je me serais moins dit "c'était peut-être normal qu'il soit là tout seul dans son buisson", j'aurais tout de suite su que non, ce n'était pas normal. Et il n'y aurait pas eu de violence dans son appréhension. Là, j'ai toujours un doute sur le bien-fondé de ce geste pseudo héroïque et j'ai toujours des raisons de me reprocher mon égoisme.

D'autant plus que ce matin, un autre de ses frères était sur le petit toit. Ce qui signifie qu'ils sont maintenant trois sur quatre à être tombés/avoir sauté, et que la mère devrait réagir en conséquence, à savoir les changer de place. (maintenant, je m'inquiète pour celui resté sur le toit... mais il faudrait vraiment que j'arrête d'essayer de régir la vie de ces chats !) D'un autre côté, si je pense à l'avenir de ses chatons, je me dit qu'il y a de grandes chances qu'ils restent sauvages toute leur vie et/ou qu'ils soient récupérés un jour ou l'autre par la SPA. Et que finalement, trouver un foyer à au moins l'un d'entre eux avant qu'il ne soit trop sauvage pour se laisser toucher par l'homme, ce n'est peut-être pas une si mauvaise chose.

Pour le moment, je vous avoue, Apollon et moi-même sommes dans la plus grande perplexité. Nous allons le garder, car Apollon refuse catégoriquement de le donner à quelqu'un, oui mais pour cela, il faut encore qu'il vive. C'est pour ça que si j'ai lancé le débat "qu'est-ce qu'on en fait ?", je n'ai pas lancé encore le débat "comment on l'appelle ?" Tout comme tout le long de cet article, j'ai utilisé le pronom "il", alors que c'est (je crois, je vérifierai quand il sera plus calme) une chatte. Tout comme je répugne à vous dire qu'elle est hyper mignonne avec un petit museau blanc et de grands yeux verts. Je ne veux pas trop m'attacher en cas de souci... Ca ira mieux dans quelques jours. Du moins j'espère.

Sur ce, je vous laisse, j'ai un train à prendre, moi...