Il y a quelques jours, j'ai reçu un sms d'une
Il y a quelques jours, j'ai reçu un sms d'une amie qui me demandait de prendre des nouvelles d'une autre amie qui n'allait pas bien (Pour comprendre le sens de ce sms, il faut savoir que je ne prends pratiquement jamais de nouvelles des autres. Probablement parce que j'ai sans cesse peur de perdre les gens que j'aime et qu'il me semble que cette perte sera moins douloureuse si je ne tente pas à tout prix de m'accrocher à eux. Peut-être aussi, plus égoïstement, parce que je n'en ressens pas le besoin, parce que je me satisfais fort bien des nouvelles qu'on me donne sans avoir besoin d'en réclamer) (et comme la plupart de mes amis partagent cette vision des choses, notre amitié se porte généralement à merveille dans le meilleur des mondes sans qu'on n'ait besoin d'échanger plus de deux mails par an). Le fait est que, sur le coup, j'ai eu envie de lui répondre avec l'agressivité qui me caractérise lorsque je me sens attaquée : "Pourquoi je prendrais des nouvelles d'elle alors que moi-même, je ne vais pas bien ?!" Je ne l'ai pas fait. Parce qu'objectivement, j'ai toutes les raisons d'aller bien, et parce qu'objectivement mon autre amie aurait toutes les raisons de ne pas aller bien.
Oui dans ma vie, en ce moment, tout va bien. J'ai un copain depuis plus de trois ans (et je n'attends que d'avoir une bague au doigt et un foetus dans le bide pour ne plus rien avoir à lui demander), j'ai un boulot qui me plaît et flatte plutôt mon ego, ce qui est pour moi très important (j'aime qu'on me remercie à longueur de journée, qu'on me dise que je suis mignonne, serviable, qu'on me présente un livre de régime en me disant "Mais vous, vous n'en avez probablement jamais vu, grande -du haut de mes 1m63, youhou !- et mince comme vous êtes"), j'ai assez d'argent pour bien vivre (de l'argent, en ce moment, j'en ai même à foison), j'ai renouvelé ma garde-robe dernièrement et j'ai enfin des habits qui ne me font plus passer en permanence pour une mendiante, je me maquille, je m'apprécie plutôt physiquement.
Je ne suis pas une funambule. Non, j'ai toutes les peines du monde à tenir en équilibre sur une poutre perchée à 5 cm du sol et il est plus que probable que je n'oserai jamais faire un seul pas sur une corde suspendue au-dessus du vide (en plus, j'ai le vertige, donc j'aurais déjà la trouille de monter l'échelle). Seulement voilà, quand je songe à ma vie, j'ai vraiment l'impression d'être une funambule (un psy n'irait probablement pas plus loin pour en déduire que c'est pour cela que j'ai nommé mon chat ainsi). Le premier pas, il me semble que je l'ai fait il y a bien longtemps, et que j'en ai fait beaucoup depuis. Maintenant, je suis au beau milieu de la corde, et je n'ai d'autres choix que d'avancer. Non, je ne suis pas encore tombée, mais il y a le gouffre sous mes pieds, un gouffre dans lequel je risque de sombrer à chaque nouveau pas que je fais.
Je n'ai aucune vie sociale, à Nowhereland, mes vrais amis sont partis et j'ai plus ou moins coupé les ponts avec tous les autres : si un jour ça va mal, vers qui me tournerai-je ? Si je romps avec Apollon, que me restera-t-il ? J'ai tourné la page du Mordor, je me suis lancée dans une nouvelle voie : mais trouverai-je seulement un nouveau stage quand celui-ci sera terminé ? serai-je acceptée dans un master sélectif avec mon parcours chaotique ? trouverai-je un emploi par la suite dans un secteur bouché ? Je suis fâchée avec mon père : l'année prochaine, si je veux reprendre des études, ce sera à mes frais (et mon argent à foison risque de vite diminuer). J'ai menti à ma mère : comment lui annoncerai-je que j'ai quitté le Mordor depuis des mois et que ferai-je si elle le découvre d'elle-même ?
J'ai ravalé mon emportement, ma frustration, et j'ai écrit à mon amie, celle qui était censée (je ne dis pas que c'est pas vrai, je dis que ce n'est pas à moi d'en juger, que je n'ai pas actuellement assez d'éléments pour en juger puisque précisément, elle n'est pas à Nowhereland et puisque précisément, je n'ai pas de nouvelle) n'aller pas bien.
(Petit aparté : "Tiens, mes pieds sont bleus. Je devrais peut-être aller m'habiller au lieu de rester en serviette de bain dans un appartement mal isolé alors qu'il fait -15 dehors").
Elle m'a répondu qu'elle n'avait pas besoin d'aide et qu'elle en avait marre d'être harcelée par des gens pleins de bonnes intentions (et pour l'autre amie qui me demandait quelles nouvelles j'avais d'elle, les voici). Je lui donne raison, bien entendu, mais ça m'a blessée. J'ai envie de lui dire que non, moi, je ne suis pas pleine de bonnes intentions, et que je comprends parfaitement qu'on se débrouille tout seul, même et surtout quand ça ne va pas fort. Mais tout de même, à la réflexion, je crois que je me sentirais mieux si j'avais une ou plusieurs amies autour de moi pour en parler.