En ce moment, je lis beaucoup. Mais surtout des
En ce moment, je lis beaucoup. Mais surtout des blogs, pas beaucoup de livres. Honte à moi. Mais parfois je tombe sur des choses intelligentes. Du moins qui me font réfléchir. Je suis par exemple tombée sur une polémique suite à un article sans prétention paru dans un magazine féminin et intitulé "37 preuves qu’il y a un homme qui habite avec moi". Que j'ai personnellement trouvé drôle. Mais qui a déclenché une vague d'indignation sur fond de "Mon Dieu, mais quel ramassis de clichés sexistes !" Je suis désolée, mais je le trouve assez pertinent. Peut-être pas extrêmement "moral", mais réaliste, du moins en partie, pour bien des couples. A bien y regarder, notre vie commune, à Apollon et moi, est remplie de clichés sexistes :
- Apollon ne cuisine que deux plats : les pâtes à la sauce tomate (en boîte) et les haricots (en conserve) avec des galettes de céréales (toutes faites). Tout le reste, c'est moi qui gère (bon, j'exagère, il maîtrise aussi la pizza sous cellophane et le gratin dauphinois congelé). Comme parfois souvent j'ai la flemme, les pâtes et les haricots verts sont la base de notre alimentation.
- Je ne bricole pas. Dès qu'il y a un meuble à monter (oui, à notre époque, les meubles ça s'achète en kit, et ça se monte), c'est Apollon qui s'en charge. De même, je ne répare pas les trucs. Si quelque chose est cassé, je demande à Apollon de regarder. Souvent il ne sait pas mieux que moi, alors parfois ça reste cassé.
- Apollon se prépare en vingt minutes le matin, douche et habillage compris. Il n'est pas rare que je mette plus d'une heure à me laver, me shampooiner, me sécher, me mettre de la crème, du déodorant, choisir mes vêtements, m'habiller, me coiffer... et que finalement j'enlève mes vêtements, je détache mes cheveux, et que je recommence. Si on doit sortir, Apollon est prêt en cinq minutes. Moi il m'en faut vingt, le temps de décider quelles boucles d'oreilles je mets, si je reste coiffée comme ça, si mes vêtements me vont toujours, si mon bonnet et mon écharpe s'adaptent à mon look du jour, si j'ai bien fait pipi ou si ma vessie est encore un tout petit peu sensible...
- Je manage notre vie sociale. Je prévois les sorties, j'organise les soirées. Apollon râle parce qu'il ne veut pas voir du monde, qu'il préfèrerait rester tranquille devant la télé.
- Apollon gagne de l'argent en travaillant, moi je suis femme au foyer. Je gère le budget du couple (constitué, on est d'accord, à 80% de l'argent d'Apollon). Je m'assure qu'on est bien en règle avec tout le monde, que le loyer, les impôts, les factures sont payés. Par contre, s'il y a un problème, c'est Apollon qui appelle les différents organismes.
- Pendant que mon mari travaille, je m'occupe des vaisselles et des lessives. Je fais un peu de ménage, aussi, ça me prend en moyenne une heure tous les deux jours. Apollon en fait une demi-heure le week-end. Bon, pour être honnête, plutôt un week-end sur deux.
- Apollon ne jette jamais le rouleau de papier toilette, je ne sors jamais la poubelle.
- Je dépense principalement mon "argent de poche" (l'argent que j'ai de côté qui ne sert ni à manger, ni à payer les factures, ni à régler le loyer) en vêtements. Apollon dépense principalement le sien en livres, DVD et jeux vidéos.
J'en oublie probablement, ce n'est sûrement que la partie émergée de notre sexisme ordinaire. Et pourtant, nous ne sommes pas, je crois, des caricatures. Je ne me maquille pratiquement jamais, je me coiffe de façon approximative, je m'épile tous les 36 du mois. Apollon n'aime pas le sport, pas vraiment les voitures, il n'a même pas le permis. Je suis par moment d'une vulgarité sans nom, Apollon aime la littérature. J'ai un bac + 5, Apollon fait régulièrement une partie de la cuisine et du ménage. D'ailleurs, je n'aime pas tellement cuisiner, et Apollon n'aime pas tellement bricoler. Pourquoi on fonctionne comme ça, alors ?
Parce que c'est plus simple. Parce qu'à choisir entre la peste et le choléra, je préfère faire une ratatouille et Apollon préfère monter une étagère, je préfère faire la vaisselle et Apollon préfère réparer le tuyau de douche. C'est aussi une question de goût : j'aime ne pas avoir trop l'air d'un sac quand je sors, Apollon préfère investir dans les loisirs culturels plutôt que dans son apparence. Oui, on a sans doute été honteusement influencés par notre entourage quand on était petits pour aimer les jolies robes ou les jeux vidéos selon notre sexe. Mais parfois, c'est aussi naturel. C'est normal qu'Apollon, qui est plus fort que moi du fait de sa masculinité, sorte la poubelle. Et jusqu'à preuve du contraire, les hommes ne peuvent pas porter les enfants, alors il est plus logique (pour le coup "normal" ne me semble pas approprié) que ce soit moi qui sois obligée d'arrêter de travailler parce que j'en chie, et normal (cette fois-ci) que parce que je passe une bonne partie de mon temps à la maison, j'en gère principalement les affaires. Ca ne veut pas dire que je ne serais pas capable de changer le tuyau de douche ou de sortir la poubelle si j'étais célibataire ou que, s'il était seul, Apollon ne mangerait que des pâtes et des haricots (non, il ne mangerait que des pâtes, il ne se ferait pas chier à faire des haricots) et qu'il croulerait sous une montagne de rouleaux de papier wc. C'est juste qu'on est deux et que du coup on se répartit les tâches.
Le monde est tel qu'il est. Je suis d'accord, il y a des choses qu'il faut changer. Quand ça nous semble important, il faut nous battre pour. Quand ça nous semble accessoire (non, dans notre couple, il n'y a pas un dominant et une dominée, il y a deux personnes de valeur égale mais de personnalités différentes, qui se comportent, en partie, il est vrai, conformément aux clichés de leur sexe), est-ce que ça vaut vraiment le coup de se compliquer la vie, de s'indigner sans cesse et d'agresser les gens ? J'irais même jusqu'à dire que ça permet de se sentir bien, de se conformer de temps à autre à quelques clichés, de se sentir membre d'un grand groupe comme les filles, les littéraires, les hippies ou les futures mamans (je suis tellement heureuse que zhom et moi on ait mis en route BB1).
Pour autant, je trouve ça très bien vu. Entre ne pas s'indigner que certains se conforment en partie aux stérérotypes de genre et s'indigner parce que certains refusent de s'y conformer, il y a quand même une limite à ne pas dépasser... Respectons les choix de chacun : les filles qui s'épilent le maillot en ticket de métro et s'habillent tout en rose, et celles qui aiment leurs poils et préfèrent les joggings aux mini-jupes. Sachant que la plupart des femmes font tout simplement ce qui leur plaît, sans se demander si ça offusque la féminité ou le féminisme.